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La fondation du Club des Haschischins intervient dans un contexte particulier: au milieu du XIXème siècle, les importations de haschisch en provenance d’Orient sont de plus en plus importantes, et cette drogue attirait donc particulièrement les artistes par sa capacité à augmenter la sensibilité des cinq sens et à intensifier les expériences émotionnelles. Elle augmentait ainsi l’imagination de manière éphémère et favorisait le processus de création.

 

La droguerie collective avait alors un but précis et sérieux : la science. Cependant le club s'agrandit rapidement et s’égara de son but premier. En effet les nombreux écrivains et peintres, membres du club, n’avaient plus comme unique objectif la consommation. Toutefois, le docteur Moreau continua de noter les effets de la drogue sur ses cobayes et garde en tête le projet du club.

 

Gautier raconta ses premières expériences dans un feuilleton, « Le Haschich » dans lequel il décrit des effets de cette drogue en trois phases : l’hyperesthésie des sensations, la dilatation du temps, et enfin l’apparition de figures grotesques. En 1845, Moreau publie Du haschich et de l’aliénation mentale, un ouvrage dans lequel il établit une équivalence entre rêves, délires et hallucinations, il s’agit du premier ouvrage scientifique au sujet des drogues et de leurs effets sur le corps humain.

  

 

« Assurément, les gens qui m’avaient vu partir de chez moi à l’heure où les simples mortels prennent leur nourriture ne se doutaient pas que j’allasse à l’île Saint-Louis, endroit vertueux et patriarcal s’il en fût, consommer un mets étrange qui servait, il y a plusieurs siècles, de moyen d’excitation à un cheik imposteur pour pousser des illuminés à l’assassinat, rien dans ma tenue parfaitement bourgeoise n’eût pu me faire soupçonner de cet excès d’orientalisme, j’avais plutôt l’air d’un neveu qui va dîner chez sa vieille tante que d’un croyant sur le point de goûter les joies du ciel de Mohammed en compagnie de douze Arabes on ne peut plus français. »

 

Théophile Gautier, Le Club des hachichins (1846)

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                                                                  II\ La transmission des expériences

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C’est après sa rencontre avec le docteur Moreau que Théophile Gautier fonde le Club des Haschichins. La droguerie collective qui découle de cette association n’aura cependant qu’un seul but: la science.

 

C’est dans le livre Le Club des haschichins que Théophile Gautier raconte son expérience de la droguerie. Il décrit très précisément le lieu des réunions : “Les murs, boisés de menuiseries peintes en blanc, étaient couverts à moitié de toiles rembrunies ayant le cachet de l’époque ; sur le poêle gigantesque se dressait une statue qu’on eût pu croire dérobée aux charmilles de Versailles.”, ainsi que la première des dix séances auxquelles il assiste. Il parle de la forme et de la texture de la drogue servie : “Un morceau de pâte ou confiture verdâtre, gros à peu près comme le pouce, était tiré par lui au moyen d’une spatule d’un vase de cristal, et posé à côté d’une cuillère de vermeil, sur chaque soucoupe.” et de ses sensations : “J’avais, pour ma part, éprouvé une transposition complète de goût. L’eau que je buvais me semblait avoir la saveur du vin le plus exquis, la viande se changeait dans ma bouche en framboise, et réciproquement. Je n’aurais pas discerné une côtelette d’une pêche. [...] J’étais dans cette période bienheureuse du haschisch que les Orientaux appellent le kief. Je ne sentais plus mon corps ; les liens de la matière et de l’esprit étaient déliés ; je me mouvais par ma seule volonté dans un milieu qui n’offrait pas de résistance. C’est ainsi, je l’imagine, que doivent agir les âmes dans le monde aromal où nous irons après notre mort.”.

 

Mais une grande partie de l’oeuvre est consacré à ses hallucinations. L’auteur a des visions fascinantes: “Un personnage énigmatique m’apparut soudainement [...] il avait un nez en bec d’oiseau, des yeux verts entourés de cercles bruns,une haute cravate blanche empesée, dans le nœud de laquelle était passée une carte visite où se lisaient écrits ces mots : Daucus-Carota, du Pot d’or, [...] Quant à ses jambes, je dois avouer étaient faites d’une racine de mandragore, bifurquée, noire, rugueuse, pleine de nœuds et de verrues, paraissait avoir été arrachée de frais, car des parcelles de terre adhéraient encore aux filaments [...] l’étrange personnage éclata en sanglots, et, s’essuyant les yeux à tour de bras, me dit de la voix la plus dolente : « C’est aujourd’hui qu’il faut mourir de rire ! » Et des larmes grosses comme des pois roulaient sur les ailes de son nez.” et les sens de celui-ci sont décuplés: “Les notes vibraient avec tant de puissance, qu’elles m’entraient dans la poitrine comme des flèches lumineuses”. Toutefois ces hallucinations l’emmènent jusqu’à la folie: “Alors le vertige s’empara complètement de moi ; je devins fou, délirant [...] J’éprouvais une affreuse tristesse, car, en portant la main à mon crâne, je le trouvai ouvert, et je perdis connaissance.”. C’est pour cette raison que l’un des chapitres de l’oeuvre se nomme “LE KIEF TOURNE AU CAUCHEMAR”.  A la fin de l’expérience, Théophile Gautier se remet avec difficulté de ce qu’il vécu: “Ma raison était revenue, ou du moins ce que j’appelle ainsi, faute d’autre terme. Ma lucidité aurait été jusqu’à rendre compte d’une pantomime ou d’un vaudeville, ou à faire des vers rimant de trois lettres.”.


La réaction de Théophile Gautier après ces séances fut la suivante: « Après une dizaine d’expériences, nous renonçâmes pour toujours à cette drogue enivrante, non qu’elle nous eût fait mal physiquement, mais le vrai littérateur n’a besoin que de ses rêves naturels, et il n’aime pas que sa pensée subisse l’influence d’un agent quelconque. » . Ainsi l’auteur renonce aux drogues puisqu’il cherche à être pleinement le créateur et à ce que son esprit seul soit créatif. Les drogues pourraient influencer ce processus et même si elles donnent accès à des visions fascinantes peuvent empêcher l’auteur de profiter pleinement de son potentiel d’inspiration. En tant que littéraire, Théophile Gautier pense donc qu’il doit user uniquement de sa rêverie et de ses introspections pour écrire.

                                 

                                    III\ Cannabis/Haschisch

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On retrouve des traces de cannabis dans l’histoire de l’humanité depuis plus de 4000 ans, et ses premières utilisation proviennent d’Asie. Il y a 3000 ans cette substance était utilisé à des fins médicinales, pour lutter contre et soulager les douleurs liées aux rhumatismes.

Le cannabis est issu des feuilles et des fleurs de la plante Cannabis Sativa dite la plante de cannabis séchée. Il apparaît sous plusieurs formes, du vert grisâtre au brun verdâtre et est essentiellement composée de graines et de tiges, fumée dans des pipes ou dans des cigarettes roulées.

Le haschisch ou encore le “shit” est quant à lui issu de la résine de la plante qui est en général mélangée avec de la paraffine ou du henné afin d’être compressée afin en une compacte résine visqueuse. Sa forme et sa texture varient, en cubes ou en morceaux allant du brun clair au noir, de sèche et dure à molle et friable. Cette substance est plus puissante que le cannabis car elle a une teneur en THC allant de de 12 à 15 % contre 3 à 8% pour le cannabis.

 

Leurs effets sont quasiment similaires. Le cannabis ne fait parti d’aucun groupe de drogues particulier, et contient un principe actif, le THC, qui agit sur certain récepteur du cerveau. La présence de THC entraîne une augmentation de la production d’un neurotransmetteur appelé dopamine, qui est libérée par le cerveau lorsque l’on vit des expériences que celui-ci associe au plaisir. C’est aussi le cas lorsque les drogues du groupe des opiacés, comme l’opium, sont ingérées par l’organisme. Plus le cannabis a une forte concentration en THC plus il est “fort”.

Le cerveau produit naturellement des molécules dites “endogènes” qui régulent la faim, la soif ou interviennent dans le contrôle de l’humeur. L’une d’entre elles, l’anandamide, a un effet sur la mémoire, l’appétit, les émotions et la douleur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lorsqu’un individu consomme du cannabis, le THC se fixe sur le neurorécepteur CB1 de cette molécule. Il modifie alors l’action de plusieurs enzymes dont l’AMPc. Il réduit l’activité de cette enzyme et ainsi la production de la protéine kinase a. La baisse d’activité de cette enzyme entraîne une baisse du nombres de neurotransmetteurs relâchés. Par conséquent, l'excitabilité globale du système neuronale s’en trouve amoindrie et le consommateur est sujet à l’euphorie.

Avec le temps, d’autres mécanismes naturels compensent la baisse d’AMPc. Cependant en cas de sevrage, il y a une surproduction de la molécule qui provoque une surexcitation neuronale et donc une sensation de manque.

 

De plus, le THC se fixe sur d’autres récepteurs et inhibe une molécule du nom de GABA-1. Cette molécule a pour rôle de réguler la libération de dopamine. En effet ce neurotransmetteur est responsable du passage d’ions Cl- dans le neurone à dopamine. Plus la quantité d’ions est grande, moins il y a de dopamine libérée. Ainsi le THC va inhiber l’inhibiteur et provoquer une baisse de la quantité de GABA-1 libérée. Par conséquent, les ions Cl- seront en moins grand nombre dans la production de dopamine sera stimulée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ses effets ne s’arrêtent pas là!  L’individu qui consomme du cannabis a l'impression d'avoir tous ses sens en éveil, ce qui s'explique de la manière suivante :

Les récepteurs au THC ne se trouvent pas uniquement dans le centre du plaisir et de la récompense, mais sont répartis dans tout le cerveau. Dans ces zones, les neuromédiateurs ont l'habitude de circuler à faible quantité. L'arrivée massive du THC va totalement dérégler la transmission des informations.

- En agissant sur le cervelet, zone qui contrôle la coordination des mouvements, le THC  provoque des maladresses et des gestes ralentis.

- Ensuite, en agissant sur le thalamus, qui est le point de passage de toutes les informations liées à nos sens, le THC  modifie la perception sensorielle, c'est à dire que l’individu sous cannabis aura l'impression d'être plus sensible à la musique, aux couleurs, à tout ce qui touche nos sens.

- De plus, on dit aussi que le cannabis agit sur nos émotions. C'est tout à fait normal car le THC agit aussi au niveau de l'Amygdale, zone du cerveau qui contrôle nos émotions.

- Enfin, le THC agit sur la mémoire et la rend défaillante. Cette mémoire est localisée dans l'Hippocampe et dans le Cortex. Toutes les données que l'on veut garder en mémoire doivent obligatoirement passer par cet Hippocampe, et cela plusieurs fois. Le problème avec le cannabis, c'est que le THC qu'il contient agit aussi sur des récepteurs qui se trouvent dans cette zone.

 

La consommation régulière de cannabis causera donc à long terme une paranoïa incessante, ainsi qu’une panique et méfiance constante en permanence. S’y joindront des inflammations oculaires et des sécheresses buccales, ainsi qu’une modification de la coordination et des sens puis des problèmes d’équilibre. Enfin, des difficultés pulmonaires et hormonales peuvent apparaitrent. Une overdose peut provoquer de fortes hallucinations et des crises de paniques.

 

Suite à une consommation régulière, le sevrage ne sera pas évident, l’absence de substances psychoactives causant des crises d’angoisses, de la nervosité, des insomnies, des montées de sueur et une perte d’appétit. Peu à peu tous les symptômes disparaîtront, même si l’insomnie peut persister durant une longue période.


Cette drogue est la 3ème drogue la plus consommée, derrière le tabac et l’alcool, car, même si légales, elles contiennent des substances psychoactives au même titre que de nombreux médicaments et peuvent être qualifiées de drogues.

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Destiné à une carrière de peintre, Théophile Gautier fait, le 27 juin 1829, la rencontre de Victor Hugo qui lui donna le goût de la littérature.

Le poète se rangea du côté de la troupe romantique que défendait Hugo contre les tenants du classicisme. Même si son oeuvre évolua vers une esthétique formaliste, il restera en son âme romantique jusqu’à sa mort.

 

En 1844, alors qu’il est une figure du Romantisme et que Charles Baudelaire est son disciple, il fonde le Club des Haschischins avec le docteur Jacques-Joseph Moreau. Ce club réunit plusieurs hommes de lettres et artistes français (Gérard de Nerval, Alexandre Dumas, Eugène Delacroix ) autour de l’étude et l’expérimentation des drogues. Les membres se réunissaient à intervalles mensuels chez le peintre Fernand Boissard à l’hôtel de Lanzun ( aussi appelé hôtel de Pimodan ) sur l’île Saint-Louis.

Schéma mécanisme cannabis sur les neurorécepteurs CB1

"Fumatrici di hascish" Gaetano Previati (1887)

Gravure d'H. Mailly

Animation mécanisme cannabis sur la dopamine

gautier :usage expérimental

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