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hENRI MIchaux

Au cours d'un périple en Inde, il découvre les effets de la magie, qu'il assimile au processus de la création littéraire. La littérature n'est pas pour Michaux une représentation de ses fantasmes ou un simple divertissement, mais une véritable expérience vécue.
Il travaille aussi le dessin, qui lui apparaît plus libérateur grâce à l’absence de  l'obstacle des mots chargés de tout un sens fausse la signification qu'ils devraient avoir. Mais pour parvenir à l'exploration intégrale de ses "propriétés" (les espaces du dedans) et tenter de se débarrasser, le plus possible, des contraintes du dehors, il use des drogues. Il s'aperçoit que ce procédé n'est qu'un misérable miracle et abandonne ses tentatives. Cette dernière s’est déroulée dans un contexte expérimental, qui rappelle précisément les expériences des surréalistes, celles de Breton, Éluard, Desnos, qui ont pu les conduire à des états proches de la folie.

Henri Michaux  évoque sa « psychose expérimentale » et ce qu’il dénomme « l’auto-analyse critique ». Son expérience hallucinogène s’inspire des apports de la psychanalyse et se fonde sur l’idée qu’il accède à son « subconscient », selon ses propres termes, et aux sources de son processus créateur.

 

Comme les surréalistes, Michaux est fasciné par le vécu des « aliénés » et il se fera le porte-voix des malades mentaux, notamment dans Connaissance par les gouffres (1961), où il rapproche les effets produits par les toxiques de certains états délirants.

 

Misérable miracle (1956)  est le premier livre consacré par Henri Michaux à ses expériences sur les hallucinogènes. Dès l’avant propos, il décrit son oeuvre comme une découverte de la mescaline : “Ceci est une exploration. Par les mots, les signes, les dessins. La Mescaline est l’explorée”. C'est surtout la relation du premier choc de la mescaline, la notation brute de sa première agression, subie comme un viol. Il y a là non pas description , mais communication au sens le plus direct, le plus physique du mot : “Le texte primordial, plus sensible que lisible, aussi dessiné qu’écrit, ne pouvait de toute façon suffire.”

En plus des états exceptionnels qu'il nous révèle et des informations qu'il nous apporte, Misérable miracle fait apparaître chez Michaux, et plus généralement dans la littérature contemporaine, un nouveau langage complété par de nombreux dessins.

 

Henri Michaux a effectué ses expériences de drogue alors qu’il était déjà un écrivain renommé. Il compare les effets produits par les toxiques et les troubles mentaux et une partie de ses écrits rapproche son expérience de celui d’un aliéné, par exemple dans Connaissance par les gouffres son troisième livre sur l’expérience des drogues, mais aussi dans son documentaire Images du monde visionnaire, film qui montre les types d’images, et leurs façons spéciales d’apparaître et de disparaître dans l’imagination d’un sujet soumis à la mescaline, avec une clarté extrême et sans l’intervention de sa volonté. Son œuvre hallucinogène se compose de comptes rendus de ses expériences, avec une auto-analyse de ce qu’il a vécu, et aussi de poèmes et de peintures dits mescaliniens.                                                            

Toute drogue modifie vos appuis. L'appui que vous preniez sur vos sens, l'appui que vos sens prenaient sur le monde, l'appui que vous preniez sur votre impression générale d'être. Ils cèdent. Une vaste redistribution de la sensibilité se fait, qui rend tout bizarre, une complexe, continuelle redistribution de la sensibilité. Vous sentez moins ici, et davantage là. Où "ici" ? Où "là" ? Dans des dizaines d'"ici", dans des dizaines de "là", que vous ne connaissiez pas, que vous ne reconnaissez pas. Zones obscures qui étaient claires. Zones légères qui étaient lourdes. Ce n'est plus à vous que vous aboutissez, et la réalité, les objets même, perdant leur masse et leur raideur, cessent d'opposer une résistance sérieuse à l'omniprésente mobilité transformatrice. Des abandons paraissent, de petits (la drogue vous chatouille d'abandons), de grands aussi.


Henri Michaux, Connaissance par les gouffres (1961)

Henri Michaux et Eric Duvivier, Images du monde visionnaire (1964)

Misérable Miracle

Dessins d’Henri Michaux représentant ses hallucinations

Henri Michaux cherche à travers sa consommation de mescaline à ouvrir son esprit et à puiser au plus profond de son inspiration. Il a rapporté les résultats de son expérience dans le livre Misérable miracle qui se divise en quatre chapitres: “Avant propos” (I), “Avec la mescaline”(II), “Caractère de la mescaline” (III), “Le chanvre indien” (IV) et “L’Expérience de la folie”.  

 

Il rapporte son expérience comme un voyage dans lequel la mescaline est la destination : “ Ceci est une exploration. Par les mots, les signes, les dessins. La Mescaline est l”explorée”. Un nouveau langage apparaît: “Parfois des mots se soudaient sur le champs. “Martyrissiblement” par exemple me venait, et me revenait.”. Pourtant, il exprime aussi la difficulté de saisir les sensations provoquées à chaque prise: “Les difficultés insurmontables proviennent de la vitesse inouïe d’apparition, transformation et disparition des visions”. C’est pourquoi il reprend l’écriture automatique des surréalistes et fait des dessins de ce qu’il voit.

 

Dans son oeuvre, Henri Michaux décrit donc ses hallucinations telle que la pluie de couteau: “ tout à coup un couteau, tout à coup mille couteaux, tout à coup mille faux éclatantes de lumières (...) se jettent à trancher l’espace de haut en bas”.

 

Ces hallucinations données par la Mescaline sont pour l’auteur, comme des spectacles qui varie en fonction des pensées du consommateur: “Or la Mescaline “image” et réalise instantanément sensations ou idées [...] Le reste du spectacle: tout ce que je déteste, l’exhibitionnisme.”

De même il rapporte des symptôme physiques comme des “étincelles de faim” et des “vibrations”. Il tient aussi une progression chronologique des effets de la mescaline qui s’estompent progressivement et commencent à disparaître après trois mois : “Je me retrouve petit à petit, sans m’être encore complètement récupéré”

 

Le temps fort du livre apparaît dans le dernier chapitre comme une apogée. L’auteur, à la suite d’une erreur de dosage consomme 6 fois la dose habituelle et entame une véritable descente aux enfers. S’il se dissociait par le passé des éléments qu’il voyait, il en devient maintenant un : “D’être devenu une ligne était catastrophique, mais c’était, si c’est possible encore plus inattendu, prodigieux.” Michaux s’identifie à un fou dont il semble avoir l’apparence: “La lampe qui était près de la glace me montra une tête que je n’avais jamais vue, la tête d’un fou furieux.”. Il vit des nuits mouvementées et pleines d’ “idées folles” comme lorsqu’il se trouve enfermé dans ses visions dont il n’arrive plus à sortir : “Vous êtes enfermés [...] Ce n’est plus un cauchemar, tout l’effroi est intimisé. [...]Vous ne pouvez plus en sortir.”.


Avec du recul, il décrit la mescaline comme un “Révélateur mental” qui le porte “aux frontières” à la fois de l’imaginaire mais aussi de la folie. Elle lui a permis de se découvrir ou plutôt de se redécouvrir : “Ce quelque chose qui me venait en s’accroissant toujours [...] zone x, zone en attente que je ne connaissais pas”. Malgré les fascinantes visions de l’auteur celui-ci tire un mauvais bilan de cette expérience d’où le titre de son livre Misérable miracle . Il conclut dans les dernières pages de son oeuvre par ces mots: “Je regrette”.

La Mescaline

La substance active des cactus à mescaline est la mescaline. Le cactus à mescaline possède aussi des vertus médicinales et nous en dénombrons de nombreuses utilisations dans la médecine traditionnelle indigène (fièvre , douleurs, et empoisonnement). Pure ou synthétisée en laboratoire, elle offrira à peu près la même expérience. On peut comparer les effets de la mescaline aux effets de la LSD-25 ou encore à l’ecstasy, substance psychoactive plus répandue et plus connue. Cependant, la mescaline se présente sous forme de poudre blanche cristallisée et est vendue en poudre, comprimés ou encore capsule. La durée des effets du cactus à mescaline est variable, en effet elle varie en fonction de l'espèce et du spécimen, pouvant aller de 10 à 18 heures.

Rappel : les neuromédiateurs sont contenus dans des vésicules. Une fois évacués ils se fixent sur des neurorécepteurs (récepteur dopaminergique, récepteur sérotoninergiques etc). Une fois ces neuromédiateurs libérés ils doivent être “re-captées” pour que la libération suivante puisse avoir lieu. Grâce à l’évolution, il existe un système de « recapture » qui renvoie les neuromédiateurs libérés qui ont rencontré leurs récepteurs dans leurs vésicules.


C'est la qu'intervient la mescaline. Prenons ici pour exemple l’ecstasy, qui a le même fonctionnement que la mescaline. Contrairement à la majorité des autres drogues, il n’est plus question de dopamine mais de sérotonine, un neurotransmetteur (molécule responsable de la transmission d'influx nerveux entre les neurones). Le nom complet de la molécule est cinq hydroxytryptamine (5-HT).

Schéma de l’action de l'ecstasy sur la sérotonine

La sérotonine agit sur le système nerveux central (ou névraxe), partie du système nerveux comprenant l'encéphale et la moelle épinière, et induit différentes actions, notamment dans la régulation de certains comportements comme l'humeur ou l'émotivité. Elle a également une action sur le sommeil, les troubles sexuels, les anomalies du comportement alimentaire comme la boulimie, et l'agressivité. Les tendances suicidaires et dépressives peuvent aussi être expliquées par une faible production de sérotonine.

 

La drogue vient boucher les fentes synaptiques par lesquelles la sérotonine est ré-captée. C'est exactement le même processus pour une douche pour laquelle on aurait bouché le sillon : l'eau n'est plus évacuée et le robinet étant ouvert, l'eau s'accumule. La sérotonine s'accumulent, stimule plus les récepteurs sérotoninergiques, par conséquent, l’individu ressent  un regain d’énergie, une euphorie et la suppression de certains blocages ou interdits dans les relations avec les autres dû à la cascade biochimique.

 

Les effets ne sont perçus que 30 à 45 minutes après la consommation. La mescaline fait partie du groupe des drogues hallucinogènes.

 

La consommation de mescaline provoque la dilatation des pupilles et la modification de l’humeur et de la perception des choses, ainsi que la désorientation, Des troubles de la concentration et de la mémoire immédiate apparaîtront et c’est alors que commence un voyage “extraordinaire” à travers l’individu (qui dépend du dosage). Ce voyage diffère en fonction de chaque individu, de sa personnalité, il sera peut-être en couleur pour l’un, et en noir et blanc pour d’autres et inversement., et aura le même niveau de conscience qu’un rêve.

 

La consommation régulière de mescaline substances transformera bien vite le rêve en cauchemar, car les effets secondaires de la mescaline ne sont pas moindres. L'anxiété, les troubles émotifs ainsi que la paranoïa seront suivis de nausées de vomissements incessants. Malgré tout cela, cette substance qui cause la perte psychologique et physique rend dépendant.

 

La consommation à très petites doses, soit de 50 à 150 milligrammes provoque un effet totalement différent: stimulant et améliorant les performances, sens et capacités mentales et musculaires. Ceci met en évidence sa parenté avec les dérivées des amphétamines. A l’inverse, la consommation à très grandes doses, cause d’insupportables mots de tête, des sécheresses cutanées, une baisse de la pression artérielle et du rythme cardiaque ce qui s’ensuit de la mort.

 

Le cactus à mescaline possède aussi des vertus médicinales et nous en dénombrons de nombreuses utilisations dans la médecine traditionnelle indigène (fièvre, douleurs, et empoisonnement).

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